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« L’aide médicale de l’Etat est une ardente obligation morale »

Une fois de plus, la question de la suppression de l’aide médicale de l’Etat (AME) revient dans le débat public et de nombreux arguments sont avancés par ceux qui veulent sa peau. Pour certains, « l’accès est trop débridé » (Bruno Retailleau), pour d’autres, ce ne doit être « ni un totem ni un tabou » (Michel Barnier).
Dès lors, tous les coups sont permis, sans chiffres ni raison. Plus que des arguments établis par les faits, on entend des propos de comptoir : « il y a des abus qu’il faut réprimer », « des fraudeurs », « des étrangers qui viennent en France pour se faire soigner » ou « pour se faire recoller les oreilles ». Pourtant, à peine la moitié de ceux qui pourraient prétendre à cette aide y ont recours.
La question de l’AME doit être abordée sous l’angle des textes fondamentaux auxquels notre pays adhère et qui font autorité : la protection de la santé pour tous (préambule de la Constitution de 1946), l’objectif de la santé pour tous (Stratégie mondiale de la santé pour tous d’ici à l’an 2000, adoptée par l’OMS en 1979), la promotion de la santé (charte d’Ottawa en 1986), l’égalité d’accès de tous à des soins de qualité et sûrs pour le patient, la prévention et la lutte contre les inégalités de santé – tous principes qui sont conformes à la Constitution de 1958, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par l’ONU en 1948.
L’AME relève donc des droits humains. Elle est pour la France, comme pour tous les Etats membres de l’ONU, une ardente obligation morale, qui se double d’une obligation tout court. A cause de cela, la question du maintien de l’AME ne devrait tout simplement pas se poser, et, pour le coup, cette aide médicale devrait être assumée « quoi qu’il en coûte ». Il en va du respect du droit international auquel la France a volontairement souscrit et du respect de notre bloc de constitutionnalité.
Par ailleurs, de quoi parlons-nous ? Certainement pas d’une charge insupportable : les besoins de santé financés par l’AME représentent peu de choses au regard du montant total des dépenses nationales de santé : 970 millions contre 314 milliards de dépenses courantes de santé au sens international, soit, 0,3 % des dépenses de santé ! Et on ne pourrait pas en prendre collectivement la charge ? Il n’y a certes pas de petites économies mais, en l’espèce, n’est-il pas honteux de remettre en cause une aide qui s’impose à nous ?
On compte 400 000 bénéficiaires de l’AME par an pour 68 millions de Français, soit 0,6 % du nombre que nous sommes. Ces chiffres indiquent qu’un bénéficiaire de l’AME coûte à la société deux fois moins cher pour sa santé qu’un Français moyen. On est donc loin de ce que sous-entend un débat spécieux, désignant à la vindicte publique des hordes de faux malades étrangers qui viendraient chez nous se gaver de soins médicaux.
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